le Léomont, Vitrimont, Hudiviller
Rosières 15 août
Le matin messe militaire avec les chants des soldats. Un prêtre du midi. Il a fort bien prêché. Toutes les femmes pleuraient. En parlant de la vièrge il a dit que cette fête était une fête joyeuse et que en ce jour tout semblait parler de vie. Et cependant comment ne pas parler de mort devant ceux qui se battaient depuis un an et qui demain allaient peut-être recommencer, devant ceux qui avaient tant de fois vu la mort et qui allaient de nouveau la sentir les frôler. Oui ils pouvaient mourir. Mais mourir n'est pas finir. Mourir ainsi, lorsqu'on a fait à Dieu et à la France le sacrifice de sa vie et de son sang c'est acquérir le droit de protéger plus que jamais ceux qu'ils aiment tant et qu'ils laissent, ceux pour lesquels ils se battent, les mères, les femmes et les petits enfants qui pleurent..................
En sortant Paul m'a présentée au Ct Dussart qui a été fort aimable.
L'après midi nous sommes allés faire une excursion.
Nous avions pris le petite charette d'une jeune femme de Vitrimont à 12 Km ( à 3 Km de Lunéville). Elle conduisait, j'étais à côté, Paul à cheval. Nous sommes passés près de Dombasles, qu'on voit du reste aussi de Rosières. C'est très étendu à cause des nombreuses cités ouvrières dépendant de l'usine de Solvay (soude).
Le pays que nous traversions est joli, calme mais avec beaucoup de charmes, des cultures, des pruniers, des houblonnières, des valonnements et de jolis creux, plutôt que des vallées. Nous sommes passés près d'Anthelupt qui a été bombardé. C'est un si gentil village dans un creux de terrain, il devait y faire bon, avant la guerre. Au loin on voyait Crévic bombardé aussi. Les tombes se rapprochaient dans les champs, au bord de la route. Nous sommes descendus au pied du Léomond, mamelon important au sommet duquel une ferme immense se trouvait. Une véritable exploitation agricole : moulin, écuries pour chevaux, vaches, chèvres, moutons, peut être une centaine de bêtes,dépendances de toutes sortes, maison d'habitation. Les Allemands s'y étaient installés. On s'y est battu 25 jours avant de la reprendre. Ensuite c'est l'artillerie allemande qui l'a bombardée. Que de ruines et de débris de toutes sortes, instruments aratoires, chaises, lit d'enfant, fournaux etc. Les caves ont résisté. Paul voulait m'y faire descendre, je n'en avait nulle envie, un adjudant du 4e qui était là dit : " Non mon capitaine, il y a encore des mouches !"
Et des tombes il y en a au moins 20, dans tous les coins. Une au milieu de la cour en ruines, d'autres sans nom. La croix de bois porte : " Passant donnez un souvenir à ce brave." D'autres croix portent simplement :" Un soldat de tel régiment". Au pied des croix sont des débris d'uniformes trouvés depuis et déposés sur les tombes. Une croix avait une belle couronne : " à mon mari !"
Mais quelle belle vue de là haut sous le gai soleil.
A 3 Km Lunéville, tout près la forêt de Vitrimont, au loin la forêt de Parroy où sont encore les Allemands; tout autour les champs criblés de trou sd'obus de grandeur différente, j'ai même failli m'aplatir dans un. Mais ils se comblent, l'herbe y repousse. On ne s'est battu là que trois semaines. Qu'est-ce que ce doit être dans le Nord où on se bat depuis un an !
Ensuite nous sommes repartis à Vitrimont; Des deux rues parallèles 3 ou 4 maisons sont peut-être debout. Elles ne sont pas complètement écroulées, les maisons, non, mais elles n'en sont pas moins lamentables avec leur air de squelette. Celles qui n'ont rien onr la façade labourée de mille trous d'éclats d'obus. La jolie petite église a mieux résité mais le clocher est percé, le toit aussi, il n'y a plus de vitraux. La jeune femme nous a montré sa maison, une grande belle maison. Il n'y a plus que les murs. Ils avaient 20 vaches. Ils se sont sauvés à Rosières avec juste leur cheval et leur voiture. "Maintenant on y est fait m'a-t-elle dit, mais ça a été dur." Son mari est artilleur dans le nord. Elle a une petite fille de 2 ans, qui a beaucoup souffert du bruit du canon. Rosières a eu de la chance, les Allemands se sont arrêtés à 4 Km et tous les obus ont passé au dessus de sa "tête" tant français qu'allemands. Il ne lui étaient pas destinés du reste.
Nous sommes passés en revenant au village de Hudiviller qui a presqu'autant souffert que Vitrimont.
En revenant je suis descendue dans une tranchée "neuve". Les troupes au repos en construisent et pour s'exercer et pour pouvoir se défendre eu cas d'un retour peu probable des Allemands. Celle-là était fort bien faite parait-il. Nous avons vu un abri d'observation, maisonnette entronc d'arbres et en terre gazonnée à l'usage des artilleurs, m'a dit Paul.
La veille sur la route de St Nicolas, nous avions vu installer une batterie roulante pour le tir contre les avions.