chez le docteur Sprauël - Rosières aux Salines
Rosières aux Salines - 7 août
J'ai fait la connaissance du Dr Sprauël qui a été fort aimable. J'ai été admirablement reçue, les Alsaciens s'y entendent et vous mettent à l'aise. Lui et sa bonne ont été charmants. Nous étions très bons amis. Paul n'avait pas voulu lui donner le tracas de la cuisine et nous étions servis par les chasseurs avec la cuisine de Mrs les officiers. Cuisine plantureuse du reste: hors d'oeuvres variés , tomates, concombres, poissons - 2 plats de viande - légumes - fromage - fruits - café.
Le Dr Sprauël y ajoutait du vin très bon ( nous avions de la bière) d'autres fruits, des confitures, de la liqueur.
Lui mange à 9h du matin et à 4h du soir, en général dans son jardin. Nous aussi du reste, sauf quelques rares fois où il faisait frais et où le temps menaçait nous déjeunions et dinions dehors.
Le jardin d'agrément petit mais charmant est ombragé et touffu. Il est suivi d'un jardin potager et fruitier et d'une maison de 80 lapins. Le Dr possède un peu plus loin un autre immense jardin potager.
La maison qu'il a fait construire il y a 15 ans est extrèmement jolie et commode, très vaste, avec l'électricité. On y accède de côté par un perron et une jolie vérandah vitrée. Puis est un petit vestibuleoù donnent son bureau et deux petits salons d'attente. Ensuite est un 2e vestibule immense où donne l'escalier, le petit escalier descendant au jardin. Son bureau y ouvre aussi, puis le salon, la salle à manger, la cuisine d'hiver, la salle de bains. Dans le fond est une porte qui donne dans un petit corps de logis différent, un escalier descend à la remise, à la cuisine d'été, tout à fait au niveau du jardin. Le rez-de-chaussée de la maison est assez élevé. A côté de la cuisine est la remise puis l'écurie, des débarras. Au dessus se trouvent des chambres de domestique, et encore au dessus des greniers
Au 1er se trouve le palier qu'une porte vitrée à deux battants sépare d'un grand vestibule sur lequel ouvrent la chambre du docteur, son cabinet de toilette, une autre chambre sur la rue (au dessus du salon et de la salle à manger), au fond W.C. . De l'autre côté, la chambre de son fils, une grande chambre d'amis (la nôtre). La chambre de son fils est occupée par un sous-lieutenant du 4e. Son fils est maréchal des logis de dragons, il a 21 ans. Le régiment du jeune Louis est arrivé ce jour là à Dombasle pour 15 jours pour suivre des cours d'infanterie.
Je n'ai pas vu le 2e étage de la maison, il ne doit pas d'après l'extérieur être très élevé.
Il y a des caves de toutes sortes fort bien aménagées: caves pour le charbon, pour les bouteilles, pour les tonneaux, pour les conserves.
Rosières est sur la Meurthe dans la plaine, mais il y a des collines tout autour. La plaine est immense, Rosières n'est pas au milieu de la plaine mais au pied de la colline. Le jardin du docteur arrive au pied. Les collines ne sont pas très hautes, pas très boisées. Il y a de grands espaces découverts, ce sont des prés, des paturages. Autour des villages, toutes les collines sont cultivées et très vertes. Toutes sortes de culture, le pays surtout autour de Rosières est fertile et riche. Enormément d'arbres fruitiers couverts de fruits: poiriers, pommiers, et surtout pruniers et parmi ces derniers, surtout des mirabelliers. C'est assez chic une campagne où l'on ramasse des prunes à chaque pas. Ce que j'en ai mangé !
Ce jour là nous sommes allés nous promener de 2h à 6h. Nous avons gravi la coline, puis traversé un joli bois. Les bois ne ressemblent pas à ceux des Vosges. Ce sont des taillis sous futaie.
Nous avons été voir une tranchée et une galerie de mine que Paul fait faire à ses hommes pour les exercer.
Nous avons entendu le canon toute la journée très fort pour l'endroit étant donné que c'était du côté du Bois Le Prêtre. C'est généralement de ce côté qu'on l'entend quoique la forêt de Parroy où sont les Allemands soit plus près 20 à 25 Km et encore moins à vol d'oiseau. Lunéville est à 15 Km , Gerbéviller à 12 Km.
Pendant 3 ou 4 jours nous avons entendu le canon très fort, sans cesse, puis ensuite presque plus, pas tous les jours, et faiblement.