la Meurthe
13 août
Je ne suis sortie qu'à 5h avec Paul pour aller sur les bords de la Meurthe, qui n'ont rien d'extraordinaire mais sont cependant jolis, c'est très vert et la Meurthe est une jolie rivière. Nous y avons vu Thouvenot qui y pêchait à la ligne avec 2 autres officiers lieutenant et sous-lieutenant. Ils sont partis faire la pêche à la bombe et nous les avons laissés. C'est très défendu. Ils jettent des bombes dans la rivière et on attrape le poisson mort. Nous avons entendu la bombe, et tous les pêcheurs aussi du reste. Ils se feront attraper, mais c'est très amusant, parait-il.
après midi ensemble
Rosières 12 août
Moi je n'ai pas bougé mais comme Paul n'était pas très aoccupé, nous avons passé notre après midi ensemble dans notre chambre et au jardin.
Paul était pris le matin par un exercice de cadres mené par le général de Brigade (JMO)
la fête du bataillon
Rosières mercredi 11 août
le matin, je suis allée sur la route de Lunéville assister à une remise de croix de guerre. Malheureusement Paul n'avait pas encore la sienne. J'étais rentrée depuis quelques instants quand j'ai entendu Paul qui m'appelait. Il était avec Mr de Lucé qui est chef de bataillon au 418e cantonné à Saffais à 4 Km de Rosières.
L'après midi avait lieu la fête du bataillon. Paul devait s'y trouver de bonne heure, mais il m'avait dit que je pouvais y aller carrément. J'arrive, j'aperçois Paul qui était avec le commandant Mr Fouchard, il arrive, me présente au commandant qui très aimable dit : "Madame, j'espère que notre petite fête va vous plaire. Je suis très heureux d'être à la tête du 4e et d'avoir sous mes ordres votre mari le héros de la Maison du Collègue."
Rien n'était plus facile que de venir à cette fête et mon séjour à Rosières était très normal. Paul m'avait bien dit le 20e Corps entier a été remis dans sa région, chaque régiment, chaque bataillon afin que les anciens puissent revoir leur familles. Les sous-lieutenants qui étaient sous-officiers avaient tous leurs femmes, les unes sont à Rosières, les autres à Dombasle, les autres à St Nicolas. Tous les soirs, ils se retrouvent. Il y avait des officiers du 60e d'artillerie qui avaient ce jour là leurs femmes et leurs enfants.
Je n'ai pas voulu monter dans la tribune, j'ai préféré rester à l'air à côté, avec une chaise, de Lucé m'a tenu compagnie. J'ai vu le capitaine Thouvenot, le capitaine Crozet du 4e aussi que j'avais un peu, très peu connu au 47e. Paul m'a présenté le capitaine St Sauveur qui est à la division ou à la brigade et qui était à Nantes jadis. Il a connu papa.
La fête improvisée rapidement était charmante. Et elle avait le grand mérite d'avoir lieu non loin du front, et d'être menée gaiement entre deux périodes de combats. La Marseillaise a été écoutée religieusement. Les 2 numéros les mieux mais très dissemblables étaient un chant patriotique et une course de taureau. Le chant "Honneur au 418e" paroles et musique du chanteur, avec choeur, par un sous-lieutenant du 418e (de son état chanteur à l'Eldorado) était superbe, la musique entrainante. Le chanteur a rappelé les exploits du 418e et les noms de ses héros. Le dernier couplet a été bissé et tout le monde l'a écouté debout.
Le taurau était un malheureux veau qu'on avait grisé, mais trop tôt, de sorte que l'excitation était passée et que le pauvre animal cuvait son vin et était totalement abruti. Les chasseurs ont fait mille pitreries, il n'a jamais voulu bouger. Néanmoins tout le monde riait aux larmes.
Au milieu de la fête il y a eu arrêt pour le buffet. Je suis d'abord allée avec Paul et ses trois lieutenants (de Crécy, Dodanne -ancien adjudant du 15e et un 3e sous lieutenant) au buffet de la compagnie. Il a offert le champagne à ses décorés du matin, je le leur ai versé, je les ai servis, j'ai trinqué avec eux, et Paul leur a fait un petit speech.
En arrivant au buffet, il y avait eu un incident: un chasseur décoré le matin était arrivé tout triste, il en pleurait presque, sans sa croix de guerre. Il venait d'avoir maille à partir avec un certain adjudant Guignon, type quelconque, qui n'a pas la croix de guerre et qui lui avait dit bêtement : " Oh la croix de guerre, tout le monde l'a, on pourrait la donner aux chiens." Le pauvre chasseur est parait-il d'une bravoure et d'un dévouement extrêmes. Vexé, il avait mis la croix de guerre dans sa poche. Paul lui dit :" Tu es trop bête. Viens ma femme va te redécorer." Alors j'ai raccroché la médaille du pauvre diable sous les yeux de l'adjudant Guignon qui venait derrière.
Après nous sommes allés nous rechampagnifier au buffet officiel et un moment, nous avons entendu des avions, un marchait en tête, et une quinzaine d'autres suivaient. Nous avons vu tirer. C'était un Boche qui avait essayé d'aller à Nancy et qui rebroussait chemin.
A un moment Paul a salué le Gl de brigade Chéré que nous avons connu à l'E.M. de l'Armée. Voyant Paul avec sa femme, il arrive, il ne m'a d'abord pas reconnue et il ignorait que Paul ait épousé Mlle Zimmer. Je lui ai dit qui j'étais : "Oh! Mme, quel bon chef, j'avais en votre père, et Mme Zimmer, et Mlle votre soeur etc." Paul lui a dit : "Mon beau-père m'a souvent chargé de ses amitiés pour vous, je n'ai jamais osé. _ Commnent vous, vous êtes timide, vous le héros de la Maison du Collègue, car madame votre mari s'est conduit en héros." J'étais très fière. Ayant fait la bêtise de parler de Remiremont, le général a vu que notre ancienne garnison n'était pas St Nicolas mais il a cru que j'étais venue de Remiremont pour la fête et j'ai ajouté: "j'y retourne." Quand aux autres, ils auront cru que ma maison était à St Nicolas.
A la fin de la fête, je vois arriver vers moi le divisionnaire Gl Deligny qui est un ami de papa, que j'ai connu à Nantes étant toute petite. "Mme j'ignorais que vous étiez ici, Chéré vient de me le dire. Je ne savais pas que vous étiez la femme du capitaine Hamilton, je vous ai connu toute petite." Et de rappeler des vieux souvenirs. Pendant ce temps, le Gl Chéré était à 10 pas derrière, les officiers d'ordonnance à 15, et le commandant Fouchard, un peu plus loin baba disait à Paul: "Regardez donc votre femme est dans les honneurs. _ Oui, oui, répondait Paul, qui n'était pas épaté."
Bref je me suis bien amusée.