arrivée à Nancy
Je suis descendue à Austerlitz à 7h ayant perdu dans le train mon porte-monnaie qui ne contenait heureusement que 4 francs. Le général Alba m'aide à descendre et me prend mon ticket de métro. A 8h je filai sur Nancy n'ayant pas eu le temps de manger. Fort heureusement Julie m'avait donné pour ma nuit du pain, du chocolat et des prunes qui m'ont permis d'attendre midi, sans trop de tiraillements.
A la gare de l'Est ils m'avaient fait très peur. Ils avaient affiché que les voyageurs pour la zone des armées devaient en dehors du sauf-conduit avoir des pièces d'identité, je n'avais que mon sauf-conduit, un employé me le confirmait en me disant que je pouvais prendre mon billet mais qu'on ne me laisserait pas sortir à Nancy. Un sergent de ville au contraire me disait que ça suffisait. Néanmoins, j'étais un peu trtacassée, surtout n'ayant pas le nom du médecin de Dombasle.
Dans mon wagon étaient une jeune fille qui allait voir son mari à Nancy et un commandant du génie et sa femme. Ils avaient été à Nantes de 1907 à 1910. Lui est descendu à Bar le Duc, elle à Nancy, moi je n'ai parlé que de Remiremont et pas de Paul naturellement.
A Châlons on a visé mon passeport, mais on ne m'a rien dit. A Gondrecourt, j'ai demandé au gendarme qui m'a dit que c'était suffisant. J'ai déjeuné au wagon-restaurant. Pendant une 1/2 heure, la voie suit des champs, pleins de tombes de soldats, par une, par deux, par trois, simples tertres, avec une croix de bois, quelques unes entourées d'une balustrade, toutes fleuries de fleurs plantéess et coupées - Quelques unes sont ornées de drapeaux tricolores. Le blé, les récoltes poussent autour, les paysans travaillent, mais les tombes sont soignées. Nous sommes passés à Sermaye (?) qui est en ruines.
J'ai pu sortir sans encombre et j'ai pris une voiture pour aller chez les Ottenheimer. Ils étaient à Neufchâteau chez Suzanne, j'étais un peu ennuyée, car ils auraient pu me sortir d'embarras, mon cocher m'a mené dans un hôtel très comme il faut genre pension de famille près de la gare. Comme je lui parlais des taubes il m'a dit: "il ne faut pas en avoir peur, à Nancy personne ne s'en soucie." L'hôtel est géré par une personne très bien. Il y a un gentil jardin, c'est tout à fait tranquille ce Central Hôtel.
Je suis allée dans une chambre me débarbouiller et me coiffer, j'ai écrit un mot à maman et j'ai été à la poste, ce qui m'a permis de voir la cathédrale qui n'a rien de sensationnel et la place Stanislas qui est superbe.
Ensuite, je suis revenue à la gare. J'ai acheté des journaux. J'y ai rencontré le commandant Détrie du 2e bataillon qui m'a saluée aux environs de la gare. Je suis restée aux environs de la gare ayant mon idée. En effet j'ai vu bientôt un sous-lieutenant du 4e auquel j'ai remis ma carte et mon adresse pour Paul. Il m'a dit "Mme, le capitaine ne viendra que demain après-midi. Nous avons marche demain matin."
Revenue à l'hôtel, j'ai écrit à maman le résultat de ma promenade. Nous avons diné dans l'hôtel au lieu du jardin, les coups de canon ayant signalé un taube qui n'est pas venu.
Je me suis couché de bonne heure et j'ai très bien dormi sans penser aux taubes, jusqu'à 8h.